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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/366

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dans une solitude dangereuse, on fit en sorte qu’elle ne se trouvât jamais isolée pour l’accomplissement de ses nouvelles pénitences, soit rapetasser les alpargates, repriser le linge d’autel ou de sacristie, laver, étendre et repasser une grande partie de celui des nonnes. Enfin, elle servait à table avec humilité.

Il lui fallut quelque temps pour se remettre de sa vision diabolique, et elle pensa que la Prieure avait eu raison, que le Malin, dans sa rage qu’elle eût pris le voile, s’était juré de la tourmenter. C’était, du moins, l’avis de M. Rigaud, son directeur, qui lui témoignait beaucoup de ménagements et lui conseillait, au mépris de la Règle, de ne s’ouvrir de ses apparitions qu’à lui seul. Car, avait-il insinué, de toutes les passions humaines qui faiblissent et se dissolvent dans l’état conventuel, la jalousie demeure la plus tenace, trouvant sa pâture accoutumée dans la vie commune, et, comme elle est une des rares qui subsistent, elle profite de la réserve de violence qui servait aux autres.

— Celles qui ont des visions et des extases, avait-il ajouté, sont donc quelque peu l’objet de l’envie. Cependant, il est aisément concevable, ma chère fille, que si les Révérendes-Mères vous mettent en garde contre des illusions dangereuses, — saint Paul nous avertit que le démon se transforme pour nous séduire en ange de