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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/396

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Raton, sans s’être réveillée, s’éteignit dans la nuit du lendemain, veille de l’Exaltation de la Sainte-Croix. La bonne Sophie de Sainte-Anne fut tirée de son sommeil par l’odeur suffocante que répandait le corps, et qui troubla tant la Sous-Prieure qu’elle rêva de Marie-Madeleine inondant de parfums les pieds du Christ. La lampe s’était éteinte, mais une douce clarté régnait dans la chambre, et cette clarté provenait des mains, des pieds et du front de Raton. Sainte-Anne affirma qu’au moment même qu’elle se frottait un œil, une forme spectrale qui rappelait un ange s’était fondue dans le mur, emportant entre ses bras une figure resplendissante, de la taille d’un enfant au berceau, et qu’en cette figure, bien que petite et poupine, elle avait reconnu Raton, ou du moins ce qu’elle devait être quand elle fut trouvée dans le verger de Balleroy.

Revêtu de tous ses habits religieux, le corps fut exposé, selon l’usage, dans le chœur du Chapitre, entouré de quatre cierges, et placé sur une estrade, de façon que chacun le pût voir du dehors. Après la messe, la grille fut écartée. Quelques heures après, par la vertu du prodige que restera toujours la propagation des nouvelles, une quarantaine de femmes se joignirent à des dévotes qui venaient contempler le cadavre, lui faire toucher des chapelets et découper furtivement de petits morceaux