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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/410

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freluquets du Faubourg-Saint-Jacques semblèrent sortir de terre ou de l’écorce des arbres, et l’on n’entendit plus que des ritournelles de contredanses, des rires, des éclats de voix, des bris de verres et des canonnades de bouchons. Le Père Lapin, perdu dans un rêve, tapait le fond de son verre contre la table, marquant distraitement la mesure. Ainsi, pensait-il, selon l’antique usage de Béotie, les jeunes filles de l’Hellade honoraient les morts par la gracieuse vivacité de leurs pas et les envolées savantes de leurs robes ; de même, au son des flûtes bérécynthiennes, elles répandaient le vin sur la terre fraîchement remuée… Il ne songeait pas moins aux anges du Vrai-Dieu qui dansaient pour Raton un ballet de bienvenue, plus beaux, parmi leurs plumes et leurs chevelures dorées, que les Muses décrites par Hésiode, les Muses aux pieds d’albâtre, effleurant en cadence les pentes veloutées du Parnasse. Et il lui semblait que tout participât à cette danse si joyeusement funéraire, tout, depuis les arbres et les cheminées qui tournoyaient au rythme de la musique, jusqu’à sa tête qui commençait de tourner aussi. L’hôte au bon sourire faisait déjà suspendre des quinquets, dans l’idée qu’un divertissement aussi tardif ne dût finir que fort avant dans la nuit. Mais la Mère se leva et frappa dans ses mains pour rappeler à ses filles que le devoir les attendait. Elles quittèrent à