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Page:Fleuret - Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, 1931.djvu/63

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Les trois valets la regardèrent avec stupidité. Ils enlevèrent piteusement leurs défroques en silence. Le masque de la servilité recouvrit sur leurs visages barbouillés les expressions de la haine et de la colère. Raton les vit disparaître, pareils aux figures bizarres et tyranniques d’un mauvais rêve, et chacun embarrassé de ses attributs bouffons.

Elle poussait déjà un soupir de délivrance, mais, par un raffinement de perversité, la Macée revint montrer son visage dans l’entre-bâillement de la porte qui s’était refermée sur leur retraite.

— Adieu, guenippe ! fit-elle, en découvrant l’ébène ébréchée de sa bouche. Tu trouveras ben queuques fois un rat crevé dans ton assiette. Comme ça, i’n’s’ra pas dit qu’tu n’mangeras qu’des gimblettes et des pets de nonne !…

Raton reçut ces mots comme autant de coups de poignard. Ses pressentiments ne l’avaient donc pas trompée ? Elle serait le souffre-douleur de la valetaille. Il lui aurait fallu descendre échelon par échelon dans l’avilissement avant que de se mêler à elle, car la déchéance subite se reconnaît aussi aisément que l’élévation trop rapide. L’une et l’autre gardent des traces originelles qui éveillent la haine et le mépris. Non, ni M. Poitou ni M. Grand-Jean ne la saliraient assez de leurs amours ;