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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/112

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— Sans doute ; elle peut apparaître à ses fidèles serviteurs partout où elle trouve une flaque d’eau pour se mirer, une rivière ou une cascade pour se baigner, ou la mer pour y chercher les perles qui ornent sa longue chevelure.

— Ne l’avez-vous jamais vue, quand vous faisiez la pêche des perles, sur les bords du golfe de Tehuantepec ? » demanda Clara en jetant un regard de côté sur la plaine éclairée par la lune, tandis que le sourd et lointain murmure de l’inondation ajoutait à cet aspect solennel.

Le nègre baissait involontairement la voix.

« Sans doute, répondit Costal ; plus d’une fois, la nuit, sur les rivages des placers de perles, j’ai vu la Sirène tordre, au clair de la lune, ses longs cheveux en chantant, et parer son cou des perles que nous cherchions en vain. Plus d’une fois aussi, sans que ma chair tressaillît, sans que ma voix tremblât, je l’ai appelée pour qu’elle me révélât les gisements des riches bancs de perles ; mais on a beau ne pas sentir son cœur se troubler à son aspect, il faut être deux pour que la Sirène aux cheveux tordus vienne à vous.

— Cela se conçoit, dit Clara ; son mari est jaloux et ne lui permet pas les tête-à-tête.

— À vrai dire, ami Clara, continua Costal sans féliciter le nègre de sa perspicacité, je n’espère guère réussir à la faire se montrer à nous avant que je n’aie atteint cinquante années révolues. Si j’explique bien des traditions un peu obscures que j’ai reçues de mes pères, jamais Tlaloc ni Matlacuezc ne se montreront pour révéler leurs secrets à l’homme qui n’a pas vécu un demi-siècle. Le ciel a voulu que, depuis les caciques jusqu’à moi, aucun de mes ancêtres ne vécût au delà de quarante-neuf ans. Seul je les ai dépassés, et en moi seul, de tous les membres de ma famille, peut se vérifier, la tradition conservée chez nous de père en fils ; encore n’aurai-je pour