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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/402

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se trouvât ainsi épargné presque en totalité. Le domestique ne put rien répondre à cette objection.

Pour concilier l’humanité avec son devoir et son serment de vengeance contre Arroyo avec son désir d’épargner le sang de ses soldats, un seul parti se présentait à l’imagination de don Rafael ; c’était de prendre les assiégés par la famine. Il était évident que les insurgés, hermétiquement bloqués dans l’hacienda, devraient ou se résoudre à faire une sortie désespérée ou renvoyer les bouches inutiles. Dans l’un comme dans l’autre cas, il y avait des chances pour que don Fernando et les siens sortissent sains et saufs des mains des assiégés.

Jusqu’au lever du soleil, il n’y avait nul inconvénient à adopter ce parti, et don Rafael donna ses ordres de blocus en conséquence. Quand toutes les mesures furent prises pour que nul ne pût s’échapper pendant l’obscurité, il se souvint que la sœur de Gertrudis errait sans doute dans les environs, sans guide et sans protecteur, et il résolut de se mettre lui-même à sa recherche avec une demi-douzaine de ses cavaliers les mieux montés.

Le lieutenant catalan resta chargé du commandement.

Il y avait à peine une demi-heure que le colonel s’était éloigné, quand les sentinelles royalistes signalèrent deux hommes qui accouraient à perdre haleine.

« Que voulez-vous ? leur demanda le lieutenant, devant lequel on les conduisit. Eh ! mais ce sont mes deux drôles de cette nuit, ajouta-t-il en les reconnaissant. Qui donc les a mis en liberté ?

— Notre gardien, répondit Juan el Zapote, qui, touché de notre profond dévouement pour le colonel Tres-Villas, nous a permis de le rejoindre, car nous allons pouvoir lui parler à la fin. »

En disant ces mots, le Zapote, peut-être pour dissimuler sa physionomie militaire, peut-être aussi parce qu’il était en nage, s’essuyait continuellement la figure avec son mouchoir.