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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/74

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les deux acteurs qui y avaient figuré se tenaient du côté de la rivière opposé à celui qu’il occupait.

Quoique, grâce à la découverte qu’il avait faite de cette rivière, il lui fût plus facile, en la traversant à gué dans quelque endroit, de se remettre à peu près dans son chemin, et qu’il pût à la rigueur se passer de renseignements, il ne se décida pas moins à tâcher d’en obtenir de ces deux personnages ; il résolut donc de profiter du temps qu’ils mettraient à remonter pour aller chercher son cheval, passer la rivière à la nage, s’il le fallait, elles attendre, près de la cascade, où il supposait qu’ils allaient retourner.

La lune éclairait vivement la rivière et ses bords ; les fourrés n’étaient inextricables que sur la crête et les flancs du ravin. En faisant un léger détour, l’officier espérait trouver un passage plus facile ; il se mit donc sans perte de temps en mesure d’exécuter son projet.

Les choses se passèrent comme il le pensait, et moins de dix minutes après il était de retour avec le cheval, qu’il tirait par la bride, cherchant un endroit sur la rive où il pût faire descendre facilement sa monture et traverser l’eau.

Dans l’intervalle, et à travers le grondement de la cascade dont il s’éloignait, il crut entendre une sorte de cri funèbre retentir du côté de la rivière qu’il avait intention de gagner. Cette voix rauque, qu’il ne pouvait confondre avec les glapissements des chacals qui avaient mainte fois frappé ses oreilles dans le cours de ses voyages, ressemblait, par une certaine intonation caverneuse, aux mugissements des taureaux, et elle fit éprouver au voyageur une vague sensation de malaise : c’était la première fois qu’il entendait ces notes funèbres, et, sans savoir au juste quelle espèce de danger, il sentait instinctivement qu’un danger quelconque le menaçait. Son cheval semblait aussi partager ses appréhensions, à en juger par le frémissement de ses naseaux.