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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/103

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de tonnerre assourdissant fut suivi d’une pluie torrentielle. Il nous était devenu impossible à la fois de marcher en avant ou de rebrousser chemin. Forcés de demeurer immobiles comme des statues équestres, nous dûmes nous héler pour connaître nos positions respectives. Je m’aperçus alors que j’étais fort près de fray Serapio. Quand à nos trois compagnons, leurs voix nous arrivèrent à peine comme un écho lointain au milieu des sifflements de la rafale. Nous nous trouvions dispersés sans espoir de nous rejoindre peut-être de toute la nuit, et forcés d’accepter, chacun à l’endroit où les ténèbres nous clouaient, la menaçante hospitalité de la forêt.

— Puisque nous voilà condamnés à rester immobiles comme la statue de Charles IV à Mexico, dis-je au franciscain, ne serait-ce pas le moment de me raconter l’histoire de votre ami fray Epigmenio ?

— De fray Epigmenio s’écria le moine. Ce n’est pas une histoire à conter par un temps et dans un lieu semblables. Quand j’entends les arbres gémir comme des âmes en peine, quand j’entends les torrents rugir comme des bêtes féroces, alors, je rougis de l’avouer, j’ai peur.

Un long silence suivit ce court échange de mots.

— Où sommes-nous ? demandai-je enfin à fray Serapio.

Nous devons être à une demi-lieue du Desierto.