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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/105

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– Ce ravin est une vraie prison, dis-je à fray Serapio.

— Ce n’est pas le torrent seul que je redoute, reprit le moine. Si même nous échappons à l’eau nous pouvons encore périr par le feu sous ces grands arbres qui attirent la foudre.

— Ne pourrions-nous pas laisser là nos chevaux, et tâcher de gagner à pied un endroit moins périlleux ?

— Nous courrions risque de rouler dans quelque fondrière. À la manière dont le vent frappe mon visage, je reconnais que le ravin doit s’étendre encore bien loin d’ici. Restons donc à notre place, et confions-nous à la divine Providence.

J’étais à bout d’expédients, et je ne trouvai aucun argument à opposer à ces derniers mots, que le moine prononça d’un ton fort lamentable. Quelques instants se passèrent. L’ouragan toutefois avait son harmonie, et je m’oubliais à l’écouter. Dans les profondeurs de la forêt gémissaient mille voix éplorées ; les torrents hurlaient en bondissant de roche en roche ; les sapins craquaient comme les mâts d’un vaisseau battu par la tourmente, et sur nos têtes le vent rendait d’étranges sons en sifflant dans les feuillages. Le bruit de l’eau qui coulait sous les pieds de nos chevaux augmentait avec une force croissante. Dans les rares moments où le sifflement de la tempête s’apaisait un peu, nous entendions