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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/115

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laissaient pénétrer le jour sans obstacle par de larges ouvertures, les pilastres des cloîtres s’écroulaient, les degrés de pierres étaient descellés, des monceaux de ruines encombraient le chœur et la nef de l’église, un épais manteau de pariétaires couvrait ces débris. Les vapeurs qui s’amassent sur le sommet de la montagne où s’élevait le couvent tombaient en une pluie fine sur les dalles déchaussées et répandant partout une humidité glaciale. Au-dessus du maître-autel, à travers une des nombreuses fissures du dôme, ces vapeurs condensées s’échappaient et tombaient goutte à goutte avec la régularité d’une clepsydre, comme pour marquer la fuite des heures et rompre, par le léger bruit qu’elles faisaient en tombant sur le marbre, le lugubre silence qui règne dans cette morne solitude. Tel était le couvent du Desierto, vu à la clarté du jour et par un temps serein. Qu’on imagine maintenant l’aspect de cette retraite à l’heure où nous y avions cherché un refuge, lorsque l’orage, qui durait depuis le commencement de la nuit, se calmait à peine. Qu’on fasse pénétrer les pâles clartés de la lune sous ces arceaux déserts, qu’on fasse siffler dans la nef abandonnée, dans la cage vide de l’orgue, dans les cellules dépeuplées, les derniers rugissements de la tourmente ; on aura une idée du gîte qui nous était offert pour achever la nuit.

Nous grelottions tous sous nos habits trempés, et