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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/134

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glacé et enjolivé de cupidons gaufrés mais la jeune fille fit de sa petite main brune et mignonne un geste d’impatience.

— Que voulez-vous, dit-elle, qu’un homme qui va mourir fasse de votre papier rose ?

— Ah ! diable dit l’écrivain sans s’émouvoir, tandis que la jeune fille passait une de ses longues nattes sur ses beaux yeux mouillés de larmes. — Ainsi, ce sont des adieux ?

Un sanglot fut la seule réponse de la grisette ; puis, se penchant vers l’oreille du vieux scribe, elle s’efforça de lui dicter une courte lettre, non sans faire de fréquentes pauses pour reprendre haleine et donner carrière à ses larmes. Jamais le contraste de la vieillesse impassible et de la jeunesse passionnée ne m’avait paru plus émouvant. Je n’étais pas le seul à le remarquer et aucun des promeneurs qui venaient à passer devant l’échoppe de Tio Luquillas ne manquait de jeter sur la jeune fille un regard de commisération et de curiosité. L’évangéliste venait de plier la lettre, à laquelle l’adresse seule manquait, lorsqu’un passant, plus hardi ou plus curieux que les autres, vint se jeter brusquement au travers de l’entretien. La physionomie de ce nouveau venu ne m’était pas inconnue, et je me souvins que, placé à côté de moi au cirque des taureaux, il m’avait, quelques jours auparavant, en véritable amateur, com-