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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/160

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d’une voix singulièrement altérée. Au couvent des Bernardines, dites-vous ?

– Assurément, je reconnais la direction du bruit, on ne peut s’y tromper.

— Eh bien rentrons tout de suite, car ce bruit me fait mal.

— Pourquoi rentrer ! Ne préférez-vous pas ce beau clair de lune aux quinquets fumeux de l’horrible tripot d’où nous sortons ?

Le licencié ne me répondit qu’après un long silence. La cloche, dont les frémissements devenaient de plus en plus distincts, exerçait évidemment sur lui une sorte d’influence ou plutôt de pression inexplicable. Je ne sais si don Tadeo remarqua enfin ma surprise ; mais peut-être céda-t-il à un besoin impérieux d’expansion en me prenant la main et en laissant échapper, au milieu de sanglots mal étouffés, ces étranges paroles :

– Il faut que vous m’écoutiez ; je n’entends jamais cette cloche tinter un glas sans voir comme dans un mauvais rêve les plus tristes épisodes de ma vie se dérouler devant mes yeux. Rien en moi n’excitera plus votre surprise quand vous connaîtrez l’horrible événement que ce glas me rappelle.

Je fis signe au licencié que j’étais prêt à l’écouter, et voici l’histoire qu’il me raconta avec un sang-froid que cet exorde si brusque et empreint d’une