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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/19

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— Suivez-moi, vous passerez pour médecin.

— Vous plaisantez ? lui dis-je.

— Non, parbleu si le drôle n’est pas tout à fait mort, il aura un médecin et un confesseur de la même force.

J’accompagnai le moine avec une gravité pour le moins égale à la sienne, et, pendant que nous descendions les escaliers du cirque, les éclats de rire et les vivats de la foule nous prouvèrent que le public de l’ombre, comme celui du soleil, avait déjà oublié un incident aussi ordinaire. Nous fûmes introduits dans une petite pièce sombre pratiquée au milieu des couloirs du rez-de-chaussée. Dans un coin de cette pièce on venait de déposer l’infortuné Perico, qu’on avait au préalable débarrassé de ses foulards. Puis, moitié par respect pour l’église et la faculté, si dignement représentées l’une et l’autre, moitié par le désir de ne pas perdre le spectacle de la course, les assistants nous laissèrent seuls. Le lépero, la tête appuyée contre la cloison et ne donnant aucun signe de vie, était assis plutôt que couché ; ses bras pendants, sa figure d’une pâleur cadavéreuse, indiquaient que, si la vie n’avait pas abandonné ce corps inerte, il ne devait plus en rester qu’une bien faible étincelle. Nous nous regardâmes, le franciscain et moi, aussi embarrassés l’un que l’autre de notre rôle.