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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/193

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Cecilio exécuta l’ordre qui devait être le dernier qu’il recevait de son ancien maître, et je le regardai faire dans un douloureux silence. La double opération terminée, Cecilio monta sur le cheval qui n’était plus le mien. Je maudis alors ma folie, mais trop tard. Par fierté, cependant, je ne laissai rien percer du remords cuisant que j’éprouvais, et je demandai à Cecilio, pour dissimuler mon chagrin, comment il se faisait qu’il parlât français sans que je l’eusse su jusqu’alors.

— Je n’ai pas été cinq ans, reprit-il, derrière la chaise de votre seigneurie, lorsqu’elle dînait avec ses compatriotes, sans apprendre sa langue ; mais, quant à le laisser paraître, je m’en serais bien gardé : votre seigneurie, dès-lors, aurait eu pour moi une foule de secrets.

Évidemment Cecilio était d’une famille de ces valets rusés qui jouent un si grand rôle dans les romans picaresques de l’Espagne. Plus d’une fois il m’avait rappelé le personnage d’Ambrosio de Lamela dans Gil Blas. Sa physionomie ne m’avait pas trompé. Cependant, malgré l’impudence qu’il dévoilait pour la première fois, il semblait, au moment de me quitter, sous le coup d’une préoccupation pénible, Il était naturel, en effet, qu’il éprouvât quelque regret de se séparer ainsi d’un maître qui n’avait eu que des bontés pour lui. Ému par cette