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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/226

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les événements devaient me l’expliquer. Deux partis, deux groupes s’étaient spontanément formés autour de l’estrade des danseuses. Dans le premier, un Jarocho, aussi somptueusement vêtu que Calros, semblait, à en juger par son attitude arrogante, y exercer un ascendant marqué. Au milieu du camp opposé, mon hôte paraissait aussi être entouré de ses adhérents. Il était facile de pressentir qu’à la fin de ce jour les assistants ne se sépareraient pas mécontents, comme il arrive après une fête qu’aucune querelle sanglante n’est venue troubler. Animés par l’espoir de quelque collision, les musiciens raclaient leur guitare avec un redoublement d’ardeur ; la discorde planait dans l’air.

Au moment où, après le tour d’usage, les danseuses commencèrent à se mettre en mouvement, des chanteurs entonnèrent d’une voix nasillarde un couplet dont les paroles n’avaient aucun rapport avec les circonstances présentes : c’étaient quelques proverbes vulgaires mis en vers, dépourvus presque de sens, mais remarquables par une obscénité que pouvait seule faire pardonner la naïveté de cette poésie sauvage. Je vins alors me placer près de mon hôte, dont l’œil suivait avec une attention jalouse tous les mouvements de Sacramenta, et je remarquai que la danseuse ne lui