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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/228

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l’occasion ; comme je m’y attendais, ce fut Calros qui en profita. Les deux antagonistes échangèrent aussitôt un regard de défi ; puis, le premier, détachant sa ceinture écarlate de crêpe de Chine, la noua en rosette et vint la suspendre en écharpe à l’épaule nue de Sacramenta.

Les guitares, raclées avec plus d’ardeur, semblaient résonner comme des clairons ; les voix des chanteurs s’élevaient au même diapason. Tandis que les hommes échangeaient des regards de satisfaction évidente, les femmes chuchotaient entre elles, et semblaient envier les hommages rendus à Sacramenta. La jeune fille dansait toujours ; son teint s’était coloré d’une vive rougeur qui prêtait plus d’éclat encore à ses yeux noirs. Cependant une vague appréhension soulevait son sein. Heureuse et tremblante à la fois, elle n’osait tourner ses regards vers celui pour qui son cœur ressentait une vive inquiétude. Aussi, en dépit du calme trompeur du visage de Calros, le tressaillement soudain des muscles décelait-il toutes les tortures de la jalousie.

— Courage ! lui dis-je tout bas, n’avez-vous plus sur votre cœur la fleur du suchil ?

Calros releva la tête, comme si ce souvenir lui rendait de la confiance ; il détacha son sabre, et alla le suspendre à l’épaule de Sacramenta. Ainsi