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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/234

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L’adversaire s’inclina, et, ! e chapeau sur l’oreille, le poing sur le manche de son sabre, la jambe droite en avant, il s’écria avec une majestueuse condescendance :

— Qu’est-ce que je veux, moi, dans tout ceci ? ne pas laisser dire que ceux de Manantial ont ouvert un fandango sans le fermer convenablement, sans en faire à nos visiteurs les honneurs, comme cela se doit. Or, continua-t-il en clignant l’œil avec un redoublement de fatuité, si je ne puis me battre pour les doux yeux de doña Sacramenta, j’accepterai quiconque voudra jouer, au premier sang, une bouteille d’eau-de-vie de Catalogne.

Des applaudissements interrompirent l’orateur, qui, se balançant sur les hanches avec une superbe assurance, reprit tout aussitôt :

– Je dois dire seulement qu’ayant, il n’y a qu’une heure, laissé mon dernier réal sur l’as de cœur, je suis dans l’impossibilité de payer et dans l’obligation de vaincre. Qu’on me désigne ma victime.

Cette péroraison fanfaronne, tout à fait digne d’un vrai Jarocho, porta l’enthousiasme à son comble parmi les assistants. Quant à l’orateur, laissant tomber sur Calros qui se rongeait les poings, un regard de suprême impertinence, il se berçait doucement dans son triomphe.