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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/247

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en longues flèches les mats dépouillés des navires en rade.

L’état de la mer présageait la tempête dont nous avions déjà reconnu les premiers symptômes en traversant les bois. Les flots venaient lentement mourir sur la grève, une senteur plus âcre s’en exhalait ; les poissons sautaient avec inquiétude à la surface de l’eau, et les oiseaux marins voletaient, éperdus, en poussant des cris d’angoisse. Au-delà de la ville, d’épais nuages couvraient l’horizon. Tout à coup il s’y fit une large trouée, et les montagnes de la Villa-Rica, la sierra de San-Martin, depuis Tuxtla jusqu’à l’embouchure du Goazacoalco, dépouillés subitement du voile qui les dérobait à nos yeux, montrèrent les dentelures azurées de leurs cimes sur le fond du ciel, redevenu bleu vif.

— Malheur aux navires qui vont se trouver dans le golfe ! me dit Calros, car le nord s’avance sur eux l’épée à la main et la nuit prochaine sera dure ; nous en saurons sans doute quelque chose ce soir à Boca-del-Rio.

Je ne répondis rien d’abord ; tout entier à la contemplation de la mer, à la veille de dire adieu au Mexique et de partir pour la France, je me sentais partagé entre les sensations les plus contraires. À la joie de ce retour, depuis si longtemps désiré, se mêlait je ne sais quel vague et douce tristesse. Le