Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/49

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à la reconnaissance éternelle de ce digne père de famille, dont l’enfant mort avant l’âge de sept ans est maintenant un ange dans le ciel.

Et Perico, jaloux sans doute de s’assurer aussi une part dans ce tribut de gratitude, s’empara sans façon d’un énorme verre d’eau-de-vie qu’il vida d’un trait. J’étais pour la première fois témoin de cette coutume barbare qui ordonnait à un père de famille d’étouffer ses larmes, de dissimuler ses angoisses sous un front riant, de faire les honneurs de chez lui au premier vagabond qui, sur le renseignement d’un sereno, venait se gorger de viandes et de vins devant le cadavre de son fils, et partager des largesses qui souvent condamnaient le lendemain toute une famille à la misère.

Une fois que l’orgie, un moment troublée, eut repris de plus belle, je retrouvai un peu de calme, et je me mis à jeter les yeux autour de moi. Au milieu d’un cercle de ces femmes empressées qui se font un devoir de ne jamais manquer une veillée des morts, j’aperçus un front pâle, une bouche qui essayait de sourire, malgré les yeux pleins de larmes, et, dans cette victime d’une superstition grossière, je n’eus pas de peine à deviner la mère, pour laquelle un ange dans le ciel ne remplaçait pas l’ange qui lui manquait sur la terre. Parmi les commères qui se pressaient autour d’elle, c’était à