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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/50

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qui redoublerait par les plus maladroites importunités l’affliction de la pauvre femme. L’une racontait les phases de la maladie et des souffrances du jeune défunt ; l’autre énumérait les remèdes infaillibles qu’elle aurait appliqués, si on l’avait consultée à temps, tels que les emplâtres de saint Nicolas, les moxas, la vapeur du pourpier cueilli un vendredi de carême, les décoctions d’herbe filtrées dans un morceau du froc d’un dominicain, et la pauvre mère crédule se détournait pour essuyer ses larmes, bien convaincue que ces remèdes auraient en effet sauvé son enfant. Les verres de vin de Xérès, les cigarettes se succédaient rapidement pendant ces consultations ; puis on proposa et l’on mit en pratique tout les jeux innocents en vogue dans l’Amérique espagnole, tandis que des enfants, succombant à la fatigue et vaincus par le sommeil, s’étendaient sur le plancher dans tous les coins de la salle, comme s’ils eussent envié le repos de celui dont le front décoloré protestait, sous ses fleurs flétries, contre cette odieuse profanation de la mort.

Retiré dans l’embrasure épaisse d’une des croisées qui donnaient sur la rue, je suivais des yeux avec assez d’inquiétude tous les mouvements de Perico. Il me semblait que cette protection qu’il m’avait imposée par surprise devait cacher quelque embûche. Ma physionomie devait trahir mes