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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/52

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— Sans doute… on n’expose pas ainsi son âme pour quelques piastres… Mais, à propos de piastres, seigneur cavalier, continua-t-il en me tendant la main, je me sens en veine, et votre bourse est peut-être encore assez bien garnie ; au cas où je débanquerais le monte, je m’engage à vous mettre de compte à demi dans mon bénéfice.

Je crus prudent de ne pas répondre à cette nouvelle demande de Perico par un refus. Le monte allait d’ailleurs me débarrasser pour quelque temps d’une compagnie qui me devenait importune. Je glissai donc quelques piastres dans la main de Perico. Presque au même instant minuit sonna. Un des assistants se leva et s’écria d’une voix solennelle :

– C’est l’heure des âmes en peine, prions !

Les joueurs se levèrent, les divertissements furent suspendus, et tous les assistants s’agenouillèrent gravement. La prière commença à haute voix, interrompue par les répons à intervalles égaux, et pour la première fois on parut se souvenir du but de la réunion. Qu’on imagine ces convives aux yeux éteints par l’ivresse, ces femmes presque nues, tous réunis autour d’un cadavre couronné de fleurs ; qu’on fasse planer sur cette foule agenouillée les vapeurs d’une atmosphère épaisse, où des miasmes putrides se mêlent aux exhalaisons des liqueurs