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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/53

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fortes, et on aura une idée de l’étrange, de l’horrible scène à laquelle j’étais forcé d’assister.

Les prières finies, les jeux recommencèrent de nouveau, toutefois avec moins d’ardeur. Il y a toujours, dans les réunions nocturnes, un moment de malaise où le plaisir lutte avec le sommeil ; mais ce moment franchi, la joie devient plus bruyante et prend l’aspect d’une sorte de délire. C’est l’heure de l’orgie : ce moment allait arriver.

J’avais repris mon poste dans l’embrasure de la fenêtre, et, pour échapper aux sollicitations du sommeil comme à l’air méphitique de la salle, j’avais entr’ouvert la croisée. Interrogeant du regard l’obscurité de la nuit, je cherchais à lire dans les étoiles l’heure qu’il pouvait être, je tâchais aussi de m’orienter au milieu du dédale de rues que j’avais traversé ; mais à peine apercevais-je au-dessus des maisons voisines un coin du ciel, qui, ce soir-là, n’avait pas sa sérénité ordinaire. Je consultai en vain mes souvenirs rien ne me rappelait dans Mexico ce canal aux eaux plombées, sur lequel venaient tomber perpendiculairement ces ruelles sombres et désertes. J’étais complétement dépaysé. Devais-je rester plus longtemps au milieu de cette hideuse orgie ? devais-je affronter les périls d’une tentative d’évasion à travers les rues de ce faubourg écarté ? Pendant que je me posais, sans pouvoir les résoudre,