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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/70

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d’arriver à cette barrière, je venais de m’apercevoir que je n’avais plus en poche le réal nécessaire pour acquitter les droits. Voulant me donner le temps de réfléchir, je mis mon cheval au pas, mais la fatale barrière se rapprochait de plus en plus. Au moment où je m’apprêtais à rebrousser chemin, le hasard fit paraître derrière moi le franciscain qui venait de vider ma bourse. L’heureux joueur m’adressa quelques paroles de politesse auxquelles je répondis de la façon la plus courtoise. Il m’offrit de m’accompagner à Mexico, et le secret espoir de passer la barrière aux dépens du franciscain fut pour quelque chose, je dois l’avouer, dans l’empressement avec lequel j’acceptai cette offre, je crus en même temps devoir féliciter mon compagnon sur son heureuse veine. Quelle ne fut pas ma surprise de l’entendre aussitôt s’écrier en soupirant :

— Hélas ! j’ai tout laissé là-bas, je n’ai rien que des dettes. Et même, s’il faut tout vous dire, je compte sur vous pour payer mon passage à la barrière !

Le moine me donnait l’exemple de la franchise, je lui avouai donc sans hésiter que j’allais lui demander précisément le même service. Le franciscain partit alors d’un éclat de rire de si bon aloi, que, malgré ma déconvenue, je me laissai gagner un moment par cette folle gaieté, et ne repris qu’assez péniblement mon sérieux. Enfin nous pûmes tenir