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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/76

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vaut à mon pays, à mes amis absents. Un charme mystérieux s’attachait pour moi à cette fraîche et rustique retraite. Une devise gravée sur le tronc d’un sycomore qui prêtait son ombrage à la tonnelle, avait souvent attiré mes yeux : In silentio et in spe erit fortutido tua. Cette devise était-elle la dernière pensée du religieux qui avait élevé cette tonnelle et qui l’avait parée avec tant de soin, peut-être en souvenir de beaux jours trop tôt écoutés ? L’homme dont cette brève formule résumait peut-être la vie, avait-il trouvé la force dans le silence et dans l’espoir ? L’âme se sentait en effet fortifiée, calmée surtout, dans cette solitude. Il y avait quelque charme à oublier le monde dans ce jardin inculte et sauvage, où les seuls bruits qui rappelassent la vie étaient le bruissement des colibris sur les rosiers, le tintement des cloches et les murmures affaiblis de l’orgue.

Le jardin était presque toujours désert. Un seul moine semblait partager ma prédilection pour ce paisible enclos et surtout pour la tonnelle, d’où je le voyais presque toujours s’échapper furtivement à mon approche : ce moine était le même que j’avais souvent observé dans les cloîtres avec une curiosité presque craintive. Quelquefois je le surprenais arrosant les plates-bandes, donnant ses soins aux fleurs qui bordaient les allées envahies par les