Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/89

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conséquent à tort et à travers), sachez donc, une fois pour toutes, que je ne mérite pas vos éloges. J’étais né pour être soldat, et c’est contre ma volonté qu’on m’a fait moine.

Puis ne tardant pas, selon son habitude, à compléter sa confession, le franciscain m’avoua qu’au moment d’acheter un froc neuf, une distraction inconcevable lui avait fait convertir son argent en une foule d’objets inutiles à la toilette d’un homme, et surtout à celle d’un religieux, objets dont il n’eût su que faire si… Fray Serapio acheva ses aveux à mon oreille. L’outre de Valdepeñas se trouvant à moitié vide, nous nous remîmes en route. De larges gouttes de pluie commençaient à tomber, et l’orage, on n’en pouvait plus douter, allait éclater dans toute sa fureur. Il ne nous restait qu’une seule ressource, c’était de pousser en avant. Stimulés par un secret instinct, nos chevaux avaient doublé de vitesse. Parfois seulement ils s’écartaient ou s’arrêtaient brusquement, effrayés par les formes fantastiques de quelque racine saillante, ou par le retentissement soudain du tonnerre ; mais ce n’étaient que de courtes haltes, après lesquelles notre course effrénée recommençait de plus belle. Nous aperçûmes enfin, au milieu d’une plaine, la lumière d’un petit village indien, dont une lieue nous séparait encore. Cette lieue fut franchie en quelques minutes, et nous en-