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Page:Gautier - Constantinople, Fasquelle, 1899.djvu/313

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L’ATMEÏDAN.

ou de périr dans la lutte ; l’insolence des janissaires, égale à celle des prétoriens et des strélitz, ne se pouvait plus supporter, et leurs séditions perpétuelles faisaient vaciller le trône dont ils se prétendaient l’appui. — L’occasion ne se fit pas attendre. — Un instructeur égyptien frappa un soldat turc récalcitrant ou volontairement maladroit. Aussitôt les janissaires indignés prennent fait et cause pour leur camarade, renversent leurs marmites en signe de révolte, et menacent de mettre le feu aux quatre coins de la ville.

C’était, comme on sait, leur manière de protester et de témoigner leur mécontentement. — Ils s’attroupèrent devant le palais de Kosrew-Pacha, leur aga, demandent à grands cris la tête du grand vizir et du mufti, qui avaient approuvé les réformes impies de Mahmoud ; mais ils n’avaient pas affaire à un de ces sultans énervés trop heureux d’apaiser une sédition hurlante en lui jetant quelques têtes en pâture.

À la nouvelle de l’insurrection, sultan Mahmoud accourut en toute hâte de Beschick-Tasch, où il se trouvait, réunit les troupes restées fidèles, convoqua les ulémas et prit à la mosquée d’Achmet, voisine de l’Hippodrome, l’étendard du prophète, qu’on ne déploie que lorsque l’empire est en danger ; tout bon musulman doit alors son concours au commandeur des fidèles, car c’est une guerre sainte. — L’abolition des janissaires est prononcée.

Les janissaires s’étaient retranchés dans l’Et-Meïdan, auprès de leur caserne ; les troupes régulières de Mahmoud occupaient les rues adjacentes avec des canons braqués sur la place ; l’intrépide sultan passa plusieurs fois à cheval devant les bandes insurgées, affrontant mille morts et les sommant de se disperser. La situation se prolongeait, un moment d’hésitation pouvait tout perdre. — Un officier dévoué, Kara Dyehennem, tira son pistolet sur l’amorce d’un canon, le