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Page:Gautier - Fusains et eaux-fortes.djvu/261

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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

soir, lui offrir un spectacle splendide et magnifique Quelle grandeur et en même temps quelle petitesse, et comme de cette distance les soins et les ambitions terrestres doivent paraître mesquins !

Tout en regardant avec les autres, un monde de pensées tourbillonnait dans notre tête ; le ballon, à qui l’on a voulu faire jouer un rôle utile dans la bataille de Fleurus et au siège de Toulon, n’a guère jusqu’à présent été considéré que comme une expérience de physique amusante ; on le fait figurer dans les fêtes et les solennités, car la foule, qui a le sentiment des grandes choses, plus que les académiciens et les corps savants, éprouve pour les ascensions un attrait qui n’a pas diminué depuis les premiers essais de Montgolfier. C’est un instinct profondément humain que celui qui nous pousse à suivre dans l’air, jusqu’à ce qu’on le perde de vue, ce globe gonflé de fumée qui porte les destinées de l’avenir.

L’homme, roi de la création par l’intelligence, est physiquement assez mal partagé. Il n’a ni la rapidité du cerf, ni l’œil de l’aigle, ni l’odorat du chien, qui est presque une âme, ni l’aile de l’oiseau, ni la nageoire du poisson, car tout chez lui est sacrifié au cerveau. Il faut qu’il s’ajoute toutes les facultés qui lui manquent : le cheval, la voiture et ensuite la locomotive remplacent chez lui la vitesse le télescope et le microscope valent l’œil de l’aigle la boussole le fait se diriger presque aussi bien qu’un chien le