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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/178

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leur pensée, leur but ; aucun secret de leur vie prodigieuse ne m’était caché. Je lisais à livre ouvert dans ce poème de Dieu qui a pour lettres des soleils. Que ne m’est-il permis de vous en expliquer quelques pages ! mais vous vivez encore parmi les ténèbres inférieures, et vos yeux s’aveugleraient à ces clartés fulgurantes.

Malgré l’ineffable beauté de ce merveilleux spectacle, je n’avais cependant pas oublié la terre, le pauvre séjour que je venais de quitter. Mon amour, vainqueur de la mort, me suivait au delà du tombeau, et je voyais avec une volupté divine, une félicité radieuse, que vous n’aimiez personne, que votre âme était libre et qu’elle pourrait être à moi pour toujours. Je savais alors ce que j’avais pressenti. Nous étions prédestinés l’un à l’autre. Nos âmes formaient ce couple céleste qui, en se fondant, fait un ange ; mais ces deux moitiés du tout suprême, pour se réunir dans l’immortalité, doivent s’être cherchées dans la vie, devinées sous les voiles de la chair, à travers les épreuves, les obstacles et les diversions. Moi seule avais senti la présence de l’âme sœur et m’étais élancée vers elle, poussée par l’instinct qui ne trompe pas. Chez vous la perception, plus confuse, n’avait fait que vous mettre en garde contre les liens et les amours vulgaires. Vous compreniez qu’aucune de ces âmes n’était faite pour vous, et, passionné sous