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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/193

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de ses pas ; il se tenait debout, le coude sur l’angle de la caisse, les yeux éperdument plongés dans ceux de Spirite.

La figure de Spirite était vraiment sublime. Sa tête, qu’elle avait relevée et un peu renversée en arrière, montrait son visage illuminé des splendeurs de l’extase. L’inspiration et l’amour brillaient d’un éclat surnaturel dans ses yeux, dont les prunelles d’azur disparaissaient presque sous la paupière supérieure. Sa bouche à demi entr’ouverte laissait luire un éclair de nacre, et son col baigné de transparences bleuâtres, comme celui des têtes plafonnantes du Guide, avait des rengorgements de colombe mystique. La femme diminuait en elle et l’ange augmentait, et l’intensité de lumière qu’elle répandait était si vive que Malivert fut contraint de détourner la vue.

Spirite s’aperçut de ce mouvement, et d’une voix plus harmonieuse et plus douce que la musique qu’elle jouait elle murmura : « Pauvre ami ! j’oubliais que tu es encore retenu dans ta prison terrestre et que tes yeux ne peuvent supporter le plus faible rayon de la vraie lumière. Plus tard je me montrerai à toi, telle que je suis, dans la sphère où tu me suivras. Maintenant l’ombre de ma forme mortelle suffit à te manifester ma présence, et tu peux me contempler ainsi sans péril. »

Par d’insensibles transitions, elle revint de la