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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/77

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doute emprunté la forme de son ancienne enveloppe périssable, mais telle qu’elle devait être dans un milieu plus subtil, plus éthéré, où ne peuvent vivre que les fantômes des choses et non les choses elles-mêmes. Cette vision plongeait Guy dans un ravissement ineffable ; le sentiment de crainte qu’il avait éprouvé d’abord s’était dissipé, et il se livrait sans réserve à l’étrangeté de la situation, ne discutant rien, admettant tout et décidé à trouver le surnaturel naturel. Il se rapprocha de la glace, croyant saisir plus distinctement encore les traits de l’image : elle resta comme elle lui était apparue d’abord, très près, et cependant très loin, et ressemblant à la projection sur la face intérieure du cristal d’une figure placée à une distance humainement incommensurable. La réalité de ce qu’il voyait, si l’on peut se servir d’un tel mot en pareille circonstance, était évidemment ailleurs, dans des régions profondes, lointaines, énigmatiques, inaccessibles aux vivants, et sur le bord desquelles la pensée la plus hardie ose à peine s’aventurer. Guy essaya vainement de rattacher cette figure à quelque souvenir terrestre ; elle était pour lui entièrement nouvelle, et cependant il lui semblait la reconnaître ; mais où l’avait-il vue ? ce n’était pas dans ce monde sublunaire et terraqué.

C’était donc la forme sous laquelle désirait se montrer Spirite, car Guy de Malivert, ne sachant