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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/78

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comment se désigner à lui-même l’apparition entrevue dans la glace, l’avait baptisée ainsi en attendant qu’il sût quelle désignation lui convenait mieux. Il lui sembla bientôt que l’image se décolorait et s’évanouissait dans les profondeurs du miroir ; elle n’y paraissait plus que comme la vapeur légère d’un souffle, et puis cette vapeur même s’effaça. La fin de l’apparition fut marquée par le reflet subit d’un cadre doré suspendu sur la muraille opposée ; le miroir avait repris sa propriété réflective.

Quand il fut bien sûr que l’apparition ne se renouvellerait pas, ce soir-là du moins et de cette manière, Guy se jeta dans son fauteuil, et quoique deux heures du matin vinssent de sonner à la pendule, dont le timbre argentin lui conseillait de se coucher, il ne pouvait se résoudre à se mettre au lit. Cependant il se sentait fatigué ; ces émotions d’un genre si nouveau, ces premiers pas faits en dehors du monde réel lui avaient causé cette lassitude nerveuse qui fait fuir le sommeil. Ensuite, en s’endormant il craignait de manquer quelque manifestation de Spirite.

Les pieds allongés sur la barre du garde-feu devant le foyer qui s’était ranimé tout seul, Guy réfléchit à ce qui venait d’arriver, et dont, il y avait deux jours seulement il eût certes nié la possibilité. Il songeait à cette charmante tête rappelant, pour les faire oublier comme de vaines