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Page:Gautier - Spirite (Charpentier 1886).djvu/79

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ombres, les beautés que font entrevoir les magies du rêve, l’imagination des poètes et le génie des peintres. Il y découvrait mille suavités indicibles, mille attraits que la nature ni l’art ne sauraient réunir en un type, et il augura bien, d’après cet échantillon, de la population de l’extramonde. Puis il se demanda quelle sympathie étrange, quelle affinité mystérieuse et jusque-là inavouée, pouvaient attirer vers lui du fond de l’infini cet ange, cette sylphide, cette âme, cet esprit dont il ignorait encore l’essence, et qu’il ne savait à quel ordre immatériel rattacher. Il n’osait se flatter d’avoir inspiré de l’amour à un être d’une nature si supérieure, car la fatuité n’était pas le défaut de Malivert, et pourtant il ne pouvait s’empêcher de reconnaître que Spirite, par le soupir qu’elle avait poussé, par la lettre dont elle avait changé le sens, par la défense murmurée à la porte de Mme d’Ymbercourt, par la phrase suggérée sans doute au baron suédois, semblait éprouver pour lui, Guy de Malivert, simple mortel, un sentiment d’une nature toute féminine et que dans ce monde on aurait appelé jalousie. Mais ce qu’il comprit tout de suite, c’est qu’il était éperdument, désespérément et irrévocablement amoureux et envahi tout d’un coup d’une passion que l’éternité n’assouvirait pas.

À partir de ce moment, toutes les femmes qu’il avait connues s’effacèrent de sa mémoire. À l’ap-