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Page:Germaine de Stael - Lettres et pensées du maréchal prince de Ligne, Paschoud, 1809.djvu/50

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avoir le débit, elle seroit le plus grand Roi de la terre : car il n’y a que cela dans votre royaume ; mais il y en a beaucoup. Savez-vous, me dit le Roi, un jour, que j’ai été à votre service ? j’ai fait mes premières armes pour la maison d’Autriche. Mon Dieu ! comme le tems se passe ! Il avoit une manière de mettre les mains ensemble, en disant ces Mon Dieu ! qui lui donnoit tout-à-fait l’air bon homme, et extrêmement doux. Savez-vous que j’ai vu luire les derniers rayons du génie du Prince Eugène ? — C’est peut-être à ces rayons que le génie de Votre Majesté s’est allumé. — Eh ! mon Dieu, qui pourroit valoir le Prince Eugène ? — Celui qui vaut mieux, par exemple, qui auroit gagné douze batailles. — Il prit son air modeste. J’ai toujours dit qu’il est aisé de l’être quand on est en fonds. Il ne fit pas semblant de me comprendre, et me dit : Quand la cabale que, pendant quarante ans, le Prince Eugène a toujours eue contre lui dans son armée vouloit lui nuire, elle profitoit du tems où ses esprits, assez recueillis, le matin, s’étaient un peu dissipés par les fatigues de la journée : c’est ainsi qu’on lui a fait entreprendre sa mauvaise marche sur Mayence.

— Vous ne m’apprendrez rien sur votre