Aller au contenu

Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/139

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 123 —


la déférence dont je crus devoir payer l’honneur qu’on voulait bien me faire.

Suivis des yeux par l’abbé, dont les éclats de rire extravagants prévenaient notre retour, et se vengeaient par avance de ceux que nous ne lui avions pas ménagés, nous marchions, avec une gravité concertée, au milieu des parterres sur lesquels le soleil dardait ses rayons les plus ardents. Madame Dinville ne leur opposait qu’un simple éventail, et moi l’habitude. Nous fîmes plusieurs tours avec une indifférence qui désespérait notre railleur. Je ne pénétrais pas encore le dessein de la dame et je ne concevais pas qu’elle pût résister à une chaleur que je commençais à trouver moi-même insupportable. J’allais m’impatienter de la qualité d’écuyer, et j’y aurais volontiers renoncé, mais je ne connaissais pas encore toutes les fonctions de cet emploi, et on m’en réservait une qui devait me consoler de l’ennui de la première.

Notre opiniâtreté avait forcé l’abbé de se retirer, nous étions au bout d’une allée ; madame Dinville se lança dans un petit bosquet dont l’agréable fraîcheur ne nous promettait plus qu’une promenade charmante, si nous la continuions dans cet aimable endroit. Je le lui dis.

— Je n’y suis pas venue pour en sortir si tôt, me répondit-elle, en jetant sur moi des yeux qui cherchaient à pénétrer dans les miens si je n’étais pas au fait du motif de sa promenade.

Elle n’y trouva rien. Je ne m’attendais pas au bonheur qui m’était préparé. Elle me tenait le bras qu’elle serrait affectueusement, et comme une personne extrêmement fatiguée, elle penchait la tête sur mon épaule, et approchait son visage si près du mien que j’aurais été un sot si je n’eusse pas pris un baiser qui se présentait de lui-