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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/140

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même. On me laissa faire. Je réitérai ; même facilité, j’ouvris les yeux.

— Oh ! pour le coup, dis-je en moi-même, si elle le veut, c’est une affaire faite ; nous n’aurons pas ici d’importuns.

Il semblait qu’elle eût pénétré ma pensée, car nous étions engagés dans un labyrinthe dont les détours et l’obscurité nous dérobaient aux yeux les plus clairvoyants, elle me dit qu’elle voulait profiter de la fraîcheur du gazon. Elle s’assit à l’abri d’une charmille, qui entourait un petit carré où nous étions, rendait l’endroit délicieux pour l’usage auquel elle le destinait ; j’en fis autant, et je me mis à côté d’elle. Elle me regarda, me serra la main et se coucha. Je crus que l’heure du berger allait sonner, et déjà je préparais l’aiguille, quand tout à coup elle s’endormit. Je crus d’abord que ce n’était qu’un assoupissement léger causé par la chaleur, et qu’il me serait facile de dissiper ; mais voyant qu’il augmentait, j’eus la simplicité de me désespérer d’un sommeil dont la promptitude et la force devaient m’être suspectes.

— Encore, disais-je, si c’était après avoir satisfait mes désirs, je lui pardonnerais ! Mais avoir la cruauté de s’endormir au moment qu’elle me donnait les plus belles espérances, je ne pouvais m’en consoler.

Je l’examinais avec douleur : elle était dans le même habillement que la veille ; elle n’avait rien sur la gorge, mais elle y avait suppléé d’une façon qui en rendait l’impression plus piquante : elle y avait mis son éventail, qui suivait les mouvements du sein et se soulevait assez pour m’en laisser entrevoir la blancheur et la régularité. Pressé par mes désirs, je me sentais des envies de la réveiller, qui étaient sur-le-champ détruites