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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/178

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de m’adresser. Où suis-je ? dis-je alors. Est-ce avec Françoise ? Quelle différence entre le plaisir que je viens de goûter et celui que j’ai déjà goûté ! Mais elle me prend pour l’abbé ; elle me dit que mon amour va lui coûter des larmes. Partagerait-elle avec Nicole les hommages de ce faquin-là ? Elle est apparamment jalouse, la bonne dame. Elle croyait posséder toute seule le cœur de son mignon. Pourquoi est-elle vieille ? Pourquoi est-elle laide ? Malgré sa laideur, j’eus encore assez de hardiesse pour m’exposer au désagrément de l’examen dont je m’étais si mal trouvé après les premiers coups. Ma main impatiente brûlait de retourner sur son corps sec et décharné, et quoique je sentisse que le dégoût serait le prix de mon imprudence, et que si je voulais encore courir une poste, le meilleur parti était d’attendre le retour de ma vigueur sans le précipiter par un badinage qui pourrait bien, au contraire, l’éloigner. Je hasardai de porter la main, mais ô surprise délicieuse ! je retrouvai partout la même fermeté, le même embonpoint, la même chaleur, la même douceur. Que veut dire ceci ? repris-je alors. Est-ce Françoise, ne l’est-ce pas ? Non, assurément, ce ne peut être que Nicole. Ô Ciel ! c’est Nicole ! J’en ai pour garant le plaisir qu’elle m’a déjà donné, et la continuation de ce plaisir que je ressens encore à la toucher. Elle se sera échappée de son lit, elle aura profité de la faiblesse de Françoise pour venir se placer ici comme dans un refuge ; elle s’imagine que son amant est aussi venu s’y cacher ! Je retrouvais dans cette explication l’interprétation toute naturelle des paroles qu’elle m’avait adressées.

Rempli de cette pensée, je sentis les désirs qu’elle m’avait autrefois inspirés renaître avec plus de force. Le croira-t-on ? j’eus regret aux plaisirs que je croyais