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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/183

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ment ? Nus ? Cela n’aurait pas été honnête, un jeune homme, une jeune fille dans cet équipage-là. Le parti le plus sûr était de faire une prompte retraite. Je la fis, mais avant que de gagner mon lit, je jugeai prudemment que je ne serais qu’un sot si je laissais subsister dans l’esprit de Nicole l’opinion trop avantageuse que j’y avais fait naître sur le compte de l’abbé. Il en aurait trop coûté à mon amour-propre de faire à ce maroufle le sacrifice de la gloire que je venais d’acquérir sous son nom. De la vanité, à moi, cela vous fait rire, lecteur, n’est-il pas vrai ? J’aurais voulu vous voir à ma place. Je vous suppose rival comme je l’étais et sensible au plaisir de vous venger, je gage que vous auriez été aussi fat que moi, et que vous auriez dit, comme je le fis :

— Ma belle Nicole, vous ne devez pas être mécontente de moi ?

Là-dessus elle vous aurait assuré que son cœur était charmé.

— N’est-il pas vrai, auriez-vous ajouté, que vous n’en attendiez pas tant d’un petit drôle que vous avez toujours méprisé ? Vous aviez tort, et il ne méritait pas le traitement que vous lui avez fait ; car vous voyez que les petits valent bien les grands. Adieu, ma chère Nicole ; je m’appelle Saturnin, pour vous servir.

Vous l’auriez embrassée, et puis vous l’auriez laissée là, bien étourdie de votre compliment ; vous auriez gagné la porte, vous l’auriez ouverte (on avait laissé la clef dans la serrure), et vous auriez été vous recoucher tranquillement dans votre lit. Dieu veuille que vous l’eussiez fait aussi heureusement que moi !

Frappé de la bizarrerie des aventures qui venaient de m’arriver, j’attendis avec impatience que le jour vînt