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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/242

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du plaisir ; levez imperceptiblement à leurs yeux le voile qui leur cachait des voluptés inconnues ; découvrez-leur tous les mystères de l’amour ; faites-leur-en des peintures vives et riantes qui piquent, qui échauffent leur sensualité ; montrez-leur le plaisir dans les attitudes les plus séduisantes et dans les situations les plus favorables pour exciter leurs désirs.

Vous m’objecterez peut-être qu’il est difficile de réussir dans la pratique d’un art aussi dangereux ; point du tout, il ne faut que de l’adresse. Je conviens avec vous qu’il serait dangereux d’encenser ouvertement leurs désirs, quelque persuasifs que fussent les raisonnements que leur cœur leur ferait en faveur de votre morale, car le premier sentiment est pour ce qui nous flatte, mais la réflexion ramène à la raison ; cette raison sévère, qui n’adopte que des maximes sévères comme elle, leur ouvrirait les yeux sur le péril qu’elles pourraient courir en vous écoutant. Mais il est mille moyens de concilier leur cœur et leur raison. Que les portraits que vous leur ferez des plaisirs paraissent faits moins pour les engager à s’y livrer que dans la vue de les en détourner ; insistez sur les plaisirs ; soyez court sur les conséquences : la raison s’opposera vainement aux impressions que vos discours feront dans leur cœur. Ces impressions seront toujours dominantes ; on s’en occupera, on les caressera, on voudra goûter de ces plaisirs, on craindra de succomber, on reviendra à vous. Voilà le moment décisif : plaignez-les, flattez leur faiblesse, attendrissez-vous avec elles. Plus de morale, rassurez leur cœur du côté du ciel ; détruisez leurs préjugés du côté du monde ; faites-leur envisager que ce n’est pas un si grand mal que de céder à son penchant ; que les faveurs qu’une fille tendre peut accorder