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Page:Gervaise de Latouche - Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux,1922.djvu/73

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L’agitation de mon cœur est indépendante de ces charmes, puisque le Père Jérôme lui-même, tout désagréable qu’il est, m’émeut quand je suis près de lui. Ce n’est donc que la seule qualité d’homme qui produit ce trouble ; mais pourquoi le produit-elle ? J’en sentais la raison dans mon cœur, mais je ne la connaissais pas ; elle faisait ses efforts pour briser les liens où mon ignorance la réduisait. Efforts inutiles ! Je n’acquérais de nouvelles connaissances que pour tomber dans de nouveaux embarras.

Quelquefois je m’enfermais dans ma chambre, je m’y livrais à mes réflexions : elles me tenaient lieu des compagnies où je me plaisais le plus. Qu’y voyais-je dans ces compagnies ? Des femmes ; et quand j’étais seule, je ne pensais qu’aux hommes ; je sondais mon cœur, je lui demandais raison de ce qu’il sentait ; je me déshabillais toute nue, je m’examinais avec un sentiment de volupté ; je portais des regards enflammés sur toutes les parties de mon corps ; je brûlais, j’écartais les cuisses, je soupirais ; mon imagination échauffée me présentait un homme, j’étendais les bras pour l’embrasser, mon conin était dévoré par un feu prodigieux. Je n’avais jamais eu la hardiesse d’y porter le doigt. Toujours retenue par la crainte de m’y faire mal, j’y souffrais les plus vives démangeaisons sans oser les apaiser.

Quelquefois j’étais prête à succomber ; mais, effrayée de mon dessein, j’y portais le bout du doigt, et je le retirais avec précipitation ; je me le couvrais avec le creux de la main, je le pressais. Enfin, je me livrai à la passion, j’enfonçai, je m’étourdis sur la douleur, pour n’être sensible qu’au plaisir : il fut si grand que je crus que j’allais expirer. Je revins avec une nouvelle envie