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Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/107

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la plus portée à reconnaître et à pratiquer le renoncement aux choses. Norton, né dans une situation sociale propre à lui permettre de prétendre à beaucoup, ne s’était jamais reposé sur les protections qui entouraient sa jeunesse, et, par orgueil comme par activité naturelle, il s’était donné autant de mal que l’eût pu faire un homme de rien pour gravir le plus vivement possible les échelons de son métier. Il avait navigué, travaillé sans relâche, lu énormément, beaucoup pensé, et chaque fois qu’une occasion d’agir s’était présentée, il ne l’avait jamais laissée échapper. On a déjà vu qu’il avait dans l’esprit infiniment de poésie ; mais en aucun cas il n’avait permis à la rêverie d’intervenir entre lui et les faits ; le monde ambiant n’avait connu de son âme que le côté pratique et l’âpreté judicieuse, honorable, mais enfin l’âpreté au succès. Et c’était à ce moment où, parvenu jeune à un degré supérieur dans son état, tout lui devenant facile, promenant sur ce tout un regard désenchanté ; il se demandait à lui-même quelle était la valeur, intrinsèque des biens pour lesquels il avait si obstinément lutté jusqu’alors. Cette question, il se l’était adressée