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Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/82

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ciel rit, le soleil brûle. Puis les montagnes se découvrent les unes après les autres, arrondies, coupées par des ravins profonds. Quelques chênes verts, des lentisques ; au pied des pentes, des ruisseaux d’une fraîcheur adorable et des lauriers-roses en foule. Un peu de bétail erre çà et là. Sur les collines se dressent, comme des enfants gracieux qui font les mutins, de petits châteaux carrés d’une blancheur éblouissante, ayant peu de fenêtres et aux coins quatre poivrières à toits ronds. Quelques-uns sont crénelés. Ces manoirs minuscules, tout à fait féodaux, produisent un effet singulier dans une île grecque. Ce sont des souvenirs du temps où les pirates barbaresques couraient les mers environnantes, tentaient des descentes hardies, et, enlevant les belles filles, allaient les vendre sur les marchés de Constantinople, d’Alexandrie ou de Smyrne, donnant ainsi naissance à une quantité de romans dont la presque totalité est restée inédite. Les populations, peu soucieuses de se prêter à ces incidents poétiques, n’osaient habiter sur les plages, et c’est pourquoi, dans tout l’Archipel, les habitations planent constamment au sommet des hauteurs,