Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/163

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celui-là. La remarque est faite que le bruit des canons des forts ne s’entend plus, que c’est bon signe, que l’armée avance ! Dans un groupe j’entends : « Ça allait mal ce matin, à ce qu’il paraît, les mobiles avaient lâché pied… Ça va bien maintenant. »

Et les yeux et les regards continuent à aller aux blessés, aux estafettes, aux aides de camp, à tout ce qui galope, venant de là-bas. « Tiens, Ricord ! » fait quelqu’un qui se souvient, en voyant passer le chirurgien dans une voiture. Un garde national lance, du haut de son cheval, aux groupes : « Une demi-lieue en avant de Chennevières, et à la baïonnette maintenant ! »

Et toujours l’on attend, l’on interroge, l’on se fait dire par tous : Tout va bien, — ce « tout va bien » — que chaque cavalier est obligé de répéter, pour qu’on le laisse passer.

On n’a pas de nouvelles positives, mais je ne sais quoi dit à la foule, que les choses ne vont pas trop mal. Alors, une joie fiévreuse monte à toutes les figures, pâlies par le froid, et femmes et hommes, pris d’une sorte de gaminerie, se jettent au-devant du galop des chevaux, cherchant à arracher aux estafettes, avec des rires, des plaisanteries, des coquetteries, de douces violences, les nouvelles qu’ils ne portent pas.

Dimanche 4 décembre. — En dépit du froid, d’une gelée piquante, d’un vent flagellant, je ne peux