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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/274

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Asnières. Un rien d’animation seulement autour du passage Jouffroy.

Je reviens, voyant aux portes et aux fenêtres, tous les habitants des quais, les yeux dirigés vers Issy. La canonnade est effroyable. Un bruit comme si le ciel s’écroulait. De la fenêtre de la chambre de mon frère, de Bicêtre au plateau de Châtillon, c’est une ligne d’éclairs, et comme le tir régulier et mécanique d’une mitrailleuse de canons, large comme l’horizon. Cela dure deux heures, mêlé au crépitement de la fusillade, et coupé à la fin d’effrayants silences, au milieu desquels s’élève le gémissement d’un petit chien de la maison voisine, épouvanté de ce long tonnerre.

Mercredi 12 avril. — En me réveillant ce matin, je vois le fort d’Issy, que je croyais pris, je le vois avec son drapeau rouge. Les troupes de Versailles ont donc été repoussées ?

Pourquoi cet acharnement dans la défense, que n’ont pas rencontré des Prussiens ? Parce que l’idée de la Patrie est en train de mourir ! Parce que la formule « les peuples sont des frères », a fait son chemin, même en ce temps d’invasion et de cruelle défaite. Parce que les doctrines d’indifférence de l’Internationale, au point de vue de la nationalité, ont filtré dans les masses.

Pourquoi encore cet acharnement dans la défense ? C’est que, dans cette guerre, le peuple fait,