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Page:Gorki - Contes d Italie.djvu/100

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CONTES D’ITALIE

ou bien, baissant la tête, ils passaient vite et sans mot dire. Les chefs des patrouilles l’admonestaient d’une voix sévère :

— Vous voilà de nouveau dans la rue, Monna Marianna ? Prenez garde, vous pouvez être tuée, et personne ne recherchera le coupable…

Elle, toute droite, attendait, mais la patrouille s’éloignait, soit qu’elle n’osât pas porter la main sur elle, soit qu’elle dédaignât de le faire. Solitaire, Monna Marianna reprenait alors sa route vers on ne sait où, traversant rue après rue, muette et noire, pareille à l’incarnation des malheurs de la ville ; autour d’elle, des sons lugubres rampaient plaintivement et la poursuivaient : gémissements, pleurs, prières, bruit de voix mornes des soldats qui avaient perdu l’espoir de vaincre.

Citoyenne et mère, elle pensait à son fils et à la patrie. À la tête de ceux qui anéantissaient la ville se trouvait son propre fils, un beau garçon impitoyable et joyeux ; naguère encore, elle le regardait avec fierté,