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Page:Gorki - Contes d Italie.djvu/115

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LA MÈRE DU MONSTRE

son mariage avec un pêcheur, son mari partit un jour pour la pêche ; il ne revint jamais, la laissant sur le point d’être mère.

Quand l’enfant naquit, elle le cacha aux yeux de tout le monde ; jamais on ne la vit sortir avec lui dans la rue, au soleil, pour se glorifier de son fils, comme font toutes les mères ; elle le tint, au contraire, enveloppé de chiffons, dans un coin obscur de sa chaumière ; et pendant longtemps, aucun voisin n’avait pu se rendre compte de la conformation du nouveau-né ; on apercevait seulement sa grosse tête et ses immenses yeux immobiles dans sa figure jaune. On remarqua aussi que la mère qui, auparavant, luttait contre la misère gaîment et sans se lasser, qui savait inspirer du courage aux autres, était devenue taciturne, et semblait toujours réfléchir on ne savait à quoi ; les sourcils froncés, elle regardait tout au travers d’un voile de douleur, d’un regard étrange qui paraissait questionner.

Il ne fallut pas longtemps pour que tous apprissent son malheur : l’enfant était venu