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Page:Gorki - Contes d Italie.djvu/117

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LA MÈRE DU MONSTRE

le monde comme si elle eût demandé sans parler quelque chose que personne ne comprenait.

Les voisins fabriquèrent pour l’infirme une caisse semblable à un cercueil ; ils la remplirent de peignures de laine, placèrent l’avorton dans ce nid moelleux et tiède et le portèrent dans un coin de la cour, dans l’espoir que le soleil, qui chaque jour fait des miracles, en accomplirait un de plus.

Mais le temps passa, et le monstre resta le même ; une énorme tête, un tronc allongé avec quatre moignons atrophiés. Seul, le sourire prit une expression toujours plus définie de gloutonnerie insatiable ; la bouche se garnit de deux rangées de dents aiguës et fortes. Les petites pattes courtes apprirent à saisir les morceaux de pain et à les porter, sans presque jamais se tromper, à la grande bouche chaude.

Il était muet, mais quand on mangeait près de lui, et qu’il sentait l’odeur de la nourriture, il ouvrait son museau et poussait des mugissements rauques, en hochant