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Page:Gorki - Contes d Italie.djvu/19

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UNE GRÈVE À NAPLES

les pavés de la chaussée. Les conducteurs et les wattmen se frayent lentement un passage dans la foule et se dirigent vers les tramways ; quelques-uns montent sur les plates-formes. Ils sont encore plus sombres et répondent avec rudesse aux exclamations de la foule. Le silence se fait. En traversant la masse humaine, ils ont divisé son épaisseur hostile en fragments, en groupes distincts, auxquels ils ont communiqué, semble-t-il, un état d’âme différent, moins bruyant, mais plus humain.

Du quai Santa-Lucia arrivent, d’un pas léger et dansant, de petits soldats couleur grisaille qui frappent le sol en cadence et balancent leur bras gauche d’un geste machinal et monotone. On les dirait en fer-blanc et fragiles comme des jouets automatiques. Ils sont commandés par un élégant et bel officier aux sourcils froncés, à la bouche tordue en une grimace de dédain. À côté de lui court un homme grand et corpulent coiffé d’un haut-de-forme, qui parle sans discontinuer tout en fendant l’air de gestes innombrables.