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Page:Gorki - Contes d Italie.djvu/47

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LE NAUFRAGÉ

hommes, je sais, signor, que se souvenir c’est comprendre et que, plus on comprend, plus on aperçoit de bien autour de soi : c’est la vérité, croyez-moi !

Aujourd’hui encore, je me rappelle le visage mouillé de mon père et ses yeux immenses, qui me regardaient avec gravité, avec amour. Ce regard m’apprit alors que le jour de ma mort n’était pas encore venu. J’avais peur, certes ! mais je savais que je ne périrais pas.

Nous fûmes culbutés, cela va sans dire… Nous nous retrouvâmes tous deux dans l’eau bouillonnante, parmi l’écume qui nous aveuglait, au milieu des vagues affolées, qui se lançaient nos corps et les projetaient sur la quille de la barque. Avant de tomber à l’eau, nous avions attaché aux bancs tout ce qu’il était possible d’y assujettir ; nous tenions de solides cordes dans nos mains, afin de ne pas être arrachés de notre barque tant qu’il nous resterait des forces. Mais il était terriblement difficile de se maintenir sur l’eau. Plus d’une fois nous fûmes jetés, mon