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Page:Gorki - Contes d Italie.djvu/98

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CONTES D’ITALIE

semblait plus atroce que la gaîté de cette armée, sûre de la victoire.

Toutes les sources qui alimentaient la ville avaient été comblées de cadavres par les ennemis. Ils avaient incendié les vignes, foulé aux pieds les champs, saccagé les jardins. La cité était ouverte de toutes parts, et il ne se passait pas de jour que les canons et les mousquets des assiégeants n’y envoyassent du fer et du plomb.

Dans les rues étroites, défilaient d’un air morne des détachements de soldats harassés et à demi morts de faim. Par les fenêtres des maisons s’échappaient les gémissements des blessés, les cris de délire, les prières des femmes et les sanglots des enfants. On ne parlait qu’à mi-voix, d’un ton accablé ; on se coupait brusquement la parole l’un à l’autre ; on écoutait avec attention si l’ennemi ne montait pas à l’assaut.

C’était surtout le soir que la vie devenait insupportable. Alors, dans le silence, les lamentations devenaient plus distinctes et plus nombreuses ; des ombres d’un bleu noir,