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Page:Haeckel - Religion et Évolution, trad. Bos, 1907.djvu/21

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conformément à un plan précis. Parmi les nombreux mythes qui tendent à implanter ces vues, le récit mosaïque de la création, tiré en grande partie par les sémites des sources babyloniennes et appuyé par l’autorité universelle de la Bible, — a exercé sur l’Europe civilisée la plus grande influence. C’est une conséquence naturelle de ces doctrines religieuses que la croyance au miracle, qui s’y rattache étroitement, soit apparue de bonne heure et se soit opposée à l’idée d’évolution, telle que l’entend la philosophie, dans sa recherche indépendante : d’une part, dans le dogme religieux triomphant, le monde surnaturel, le miracle, la téléologie — de l’autre, dans la théorie évolutionniste qui s’efforce de naître, rien que la loi naturelle, la raison pure, la causalité mécanique. À mesure que cette théorie a gagné, dans les derniers temps, en valeur et en importance, elle a dû se poser en adversaire de la première[1].

Si nous jetons un regard rapide sur les divers domaines dans lesquels l’idée d’évolution a été scientifiquement appliquée, nous constaterons que c’est d’abord le Cosmos tout entier qu’on a envisagé dans son unité, puis est venu le tour de la terre, troisièmement enfin, celui de la vie organique sur cette terre puis on est passé à l’homme qui en est le plus haut produit, et cinquièmement à l’âme, être immatériel de nature spéciale. Les études évolutionnistes, considérées historiquement, se développent donc dans l’ordre suivant : études cosmologiques, géologiques, biologiques, anthropologiques et psychologiques.

La première vaste théorie évolutionniste, dans le

  1. Notion d’évolution. — Aujourd’hui encore dans les différentes sciences, la notion d’évolution est si diversement comprise et définie qu’il importe de préciser dès le début le sens général que nous donnerons ici à ce terme. J’entends par « évolution », au sens le plus large du mot, les continuelles « modifications de la substance », en prenant pour base la notion fondamentale de substance telle que l’a posée Spinoza ; dans cette notion la « force et la matière » (énergie et matière) — ou « l’esprit et la nature » (Dieu et le monde) sont indissolublement unis. L’histoire de l’évolution, au sens le plus large, est donc « l’histoire de la substance », ce qui implique que la « loi de substance » soit considérée comme universellement valable. Par elle, la « loi de conservation de la matière » (Lavoisier, 1789) et la « loi de conservation de l’énergie » (Robert Mayer, 1842) demeurent inséparables l’une de l’autre, quelque différence que révèle la forme de modification du devenir. Cf le chapitre XII de mes Énigmes de l’Univers (loi de substance).